L’actualité judiciaire a souvent mis en exergue les problématiques familiales pour évoquer les violences sexuelles. Si en 2005
la nécessité d’une « dynamique réseau » s’imposait pour les professionnels de santé, de justice et du champ socio-éducatif, cette année,
nous vous proposons, dans une continuité thématique, en s’appuyant sur le film « Mysterious skin », le système de liens de destruction
et de création qui relie l’auteur, sa victime et leur proche entourage. En effet, selon un nouveau paradigme, dans la prise en charge
coordonnée des auteurs et victimes de violences sexuelles puis du dépassement de la figure du monstre considéré comme un sujet
jamais isolé (thème évoqué l’an dernier), ce qui nous intéresse cette année, c’est la question du lien agresseur – victime.
Quelles que soient les modalités de l’acte d’agression (viol, inceste, pédophilie, exhibition), ce qui préexiste, résiderait dans le vécu
traumatique de l’auteur, dans la constitution du lien familial et dans le système pathologique de transaction activé par la mère.
Paradoxalement, au-delà des drames individuels et familiaux, la clinique de l’agir nous enseigne l’inévitable recours au cadre
qui participe au processus de création. Que ce soit le cadre culturel (différences entre Belgique et France), législatif, thérapeutique,
judiciaire, socio-éducatif ou associatif, face à la violence de l’impensable, nous devons sortir du chaos et du cloisonnement
institutionnel pour une mise en commun des outils de réflexion tout en gardant à l’esprit pour chaque professionnel les questions
de norme, de morale et d’éthique, dans un travail de réseau pluridisciplinaire. Du côté des auteurs et de leurs victimes, la création doit
être aussi stimulée en art thérapie ou en thérapie de groupe ce qui permet une mise en mots dans ce qui demeure très souvent
irreprésentable constituant une longue élaboration de souffrance pour les uns et les autres. Après les condamnations, la vie crée de
nouvelles conditions d’existence chez l’auteur et/ou sa victime, c’est le temps de la réparation. Ce temps suppose un coût ou une dette
qui concerne autant les professionnels que les usagers. Dans le soin, le coût ou la dette psychique est souvent l’objet de résistances :
sur le plan social, les vécus d’agresseur condamné et de victime réparée ou non pèsent dans le travail de réinsertion. Du point de vue
de la justice, le coût des indemnités ou de telles ou telles mesures (prison ou « bracelet électronique ») font débats dans l’opinion
publique. Enfin, le coût ou la dette sociétal(e) de tels actes questionne tous les citoyens tantôt sur le versant répressif, tantôt sur
le versant préventif. Vers quelle orientation devons-nous aller ?